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  • Voici le texte de la conférence des evêques de France pour se préparer à l'échéance de 2017. Bonne lecture.

    Marie-Aude

    La France va vivre une année électorale importante avec l’élection présidentielle et les élections législatives. À la veille de ce qui doit être un authentique débat démocratique, nous souhaitons appeler nos concitoyens à tenir compte de certains enjeux qui nous paraissent engager notre avenir de façon déterminante. Nous le faisons à la lumière de nos convictions enracinées dans la tradition chrétienne et des textes publiés par le Pape François au cours des années écoulées.

    1.     Démocratie et société de violence

    La pratique démocratique établit des règles de débat qui permettent de confronter des convictions et de choisir pacifiquement entre différents projets de société. Quand la vie démocratique tombe dans le discrédit ou l’impuissance, les intérêts particuliers et les groupes de pression s’habituent à user de leurs moyens de contrainte pour forcer les responsables politiques à satisfaire leurs demandes. L’excès de lois trop circonstancielles émousse la force de la loi et le respect qui lui est dû. On s’efforce de dénier les procédures démocratiques pour obtenir par la contrainte, ou même la violence, ce que l’on n’a pas obtenu dans les urnes.

    Si nous voulons progresser dans les pratiques démocratiques, nous devons promouvoir l’exercice du droit de vote en développant dans la société un véritable débat qui échappe aux postures, aux « petites phrases » et aux ambitions personnelles.

    Le jeu médiatique, établi sur la mise en valeur excessive de la polémique et de la dénonciation, focalise l’attention générale sur des conflits de personnes ou des ambitions particulières en négligeant les convictions et les propositions argumentées. Il fait apparaître les projets et les candidats comme un jeu de rôles dans lesquels les enjeux ne sont présentés que comme des prétextes. Il ne favorise pas la confrontation pacifique, mais en développant la violence verbale, il contribue à développer une sorte d’hystérie de la vie publique.

    Pour favoriser un véritable débat national, la campagne électorale à venir devra éviter les risques de crispations identitaires tout en faisant droit au fait national : nos racines, notre culture, notre patrie avec son histoire, ses responsabilités et ses atouts, la place et l’importance du fait religieux et des religions.

    2.     Pour un projet de société

    Le débat démocratique n’est pas une fin en soi. Il est au service de la confrontation entre des opinions et des projets. Il doit donc être une occasion d’expliciter quel projet de société nous voulons soutenir et promouvoir. Trop souvent les critères mis en avant se limitent à envisager et exprimer les données économiques, comme si l’économie était le seul facteur de construction de la qualité de la vie humaine, personnelle et collective.

    L’être humain est plus qu’un élément du processus économique. Les progrès technologiques et économiques doivent être au service du bien de tous et non seulement du profit de quelques-uns. C’est donc vers une économie du partage que nous devons avancer, vers un partage plus équitable du travail et des fruits du travail.

    La qualité humaine d’une société se juge aussi à la manière dont elle traite les plus faibles de ses membres : ceux qui sont laissés au bord du chemin de la prospérité, personnes âgées, malades, personnes handicapées… Nous ne pouvons être indifférents à aucune victime de notre société. Nous sommes responsables du respect de toute vie de son commencement à sa fin.

     3.     Vers un pacte éducatif

    Ces progrès de la pratique démocratique vers une vie sociale paisible et plus fraternelle passent, nous le savons tous, par une meilleure qualité de l’éducation des jeunes. Cette amélioration toujours nécessaire repose sur la qualité de la scolarisation qui est trop souvent soumise à des réformes auxquelles on ne donne pas le temps de porter leurs fruits et sur lesquelles on ne fait que trop rarement une véritable évaluation. Mais surtout elle passe par une confiance à rétablir entre les familles et l’école.

    Pour le bien des enfants, c’est un véritable pacte éducatif qui doit unir les familles et l’école, non une concurrence, moins encore une méfiance. Toutes les dispositions législatives ou réglementaires qui affaiblissent la stabilité des familles et les moyens d’exercer leurs responsabilités ne peuvent jamais être compensées par une exigence incantatoire envers l’école. La marginalisation d’un nombre croissant de familles, les mesures qui brouillent la filiation, celles qui favorisent les divorces et l’éclatement des familles sont payées très cher par leurs premières victimes : les enfants. On ne peut pas espérer faire progresser la cohésion sociale en négligeant son tissu nourricier qui est la cohésion familiale. Les liens entre l’éclatement des familles, l’échec scolaire, la marginalisation des jeunes, parfois jusqu’à la délinquance, sont avérés, même si nous ne souhaitons pas le reconnaître. Les travaux du synode des évêques sur la famille, repris par le Pape François dans l’Exhortation Apostolique Amoris laetitia (La joie de l’amour), rappellent combien une famille unie est une ressource pour l’avenir et une espérance pour le bien de tous.

     4.     Solidarité

    Une société vivante ne peut pas être la simple addition d’intérêts ou d’accords particuliers. Elle repose nécessairement sur la recherche du bien commun et la mise en œuvre de moyens de solidarité efficace. C’est une des grandes responsabilités de l’État d’organiser cette solidarité, surtout dans les périodes de grandes difficultés économiques. Partager dans les périodes d’opulence peut paraître relativement indolore : il ne s’agit que de distribuer le superflu. Dans les périodes de restriction, il s’agit de partager en prenant sur le nécessaire.

    Dans notre société, l’écart entre ceux qui peuvent compter sur la sécurité et ceux qui sont plongés dans la précarité ne cesse de s’accroître. De plus en plus de nos concitoyens ne peuvent plus bénéficier du droit au travail. Il est illusoire de penser que des indemnités financières peuvent compenser cette carence. La fragilité de l’emploi suscite des crispations de la part de ceux qui jouissent d’un emploi garanti et d’avantages sociaux assurés. La défense des droits acquis se substitue à la volonté de partager et d’intégrer de nouveaux bénéficiaires. Les plus jeunes sont les premières victimes d’un système inégalitaire. Pourtant beaucoup d’entre eux attendent d’être appelés pour prendre leur place dans notre société.

    Alors que le dynamisme économique suppose des encouragements durables à l’initiative et à la prise de risque, l’État doit gérer positivement la tension entre un libéralisme sans contrôle et la sauvegarde des mécanismes de protection sociale (assurance maladie, retraite, chômage, etc.). Cet objectif doit nécessairement ressortir des projets soumis au vote des citoyens.

     5.     Migrants

    Dans une époque où les distances et les frontières s’effacent devant la mondialisation économique et culturelle, notre volonté de solidarité ne peut pas s’enfermer dans le cadre restreint de notre pays. Les événements dramatiques qui frappent les populations du Moyen-Orient ou d’Afrique jettent sur les routes et sur la mer des centaines de milliers de réfugiés, véritables naufragés humains. Quand la Jordanie et le Liban reçoivent des millions de réfugiés, comment notre pays pourrait-il reculer devant la perspective d’accueillir et d’intégrer quelques dizaines de milliers de ces victimes ?

    Mais plus largement que l’accueil des réfugiés, nous devons nous interroger sur la manière dont nous traitons des migrants arrivés dans notre pays depuis plusieurs années. Est-il aujourd’hui tolérable que des milliers d’hommes de femmes et d’enfants vivent sur notre territoire dans des conditions trop souvent inhumaines ?

    Une volonté d’intégration ne peut se réaliser sans accompagnement des ruptures culturelles. La seule recherche de solutions économiques est vouée à l’échec si rien n’est entrepris pour la promotion culturelle, promotion d’une culture enracinée, qui donne ou redonne le sens d’une vie collective nationale.

     6.     Europe

    Nous sommes bien conscients que la France, à elle seule, ne peut solutionner ces situations dramatiques. Nous ne pouvons contribuer à les soulager que dans le cadre de la solidarité européenne. D’une certaine façon, notre vieille Europe joue son avenir dans la manière dont elle réagit. Soit elle nourrit l’illusion de pouvoir barrer la route à toutes les misères pour protéger sa relative prospérité, soit elle s’engage courageusement dans des politiques d’accueil.

    L’accueil serait aussi une illusion s’il ne s’accompagnait pas de véritables programmes de soutien dans les pays d’origine des migrations : soutien économique et soutien politique pour lutter contre la misère endémique et les procédés antidémocratiques de certains gouvernants. Cette lutte doit suivre les engagements internationaux pris pour l’aide au développement et peut conduire à des interventions dans différents pays, comme la France l’a fait au cours des années écoulées.

    Mais le projet européen ne peut se poursuivre ni se développer sans une véritable adhésion des peuples d’Europe. Cette adhésion suppose de respecter davantage le fait historique et culturel des nations qui composent le continent. Une véritable pratique de la subsidiarité, telle qu’elle est inscrite dans ses textes fondateurs, serait une nouvelle chance pour l’Europe.

     7.     Ecologie

    Il y a à peine un an, la tenue en France de la Cop21, nous sensibilisait à notre responsabilité commune envers l’humanité. Le Pape François nous a rappelé gravement cette responsabilité dans l’encyclique Laudato si. L’enjeu écologique n’est pas simplement une vision naturaliste du monde, c’est une prise de conscience morale des risques de déséquilibre climatique et économique que court la planète. Responsables de la « maison commune », il nous faut mieux tenir compte des dégâts que provoque une société tout entière fondée sur l’augmentation de la consommation. Nous avons la charge d’un monde qui a ses limites et nous ne pouvons pas l’épuiser comme s’il était sans limites. La sagesse nous invite à revoir nos modèles de consommation et à inventer un monde moins destructeur et plus juste.

    Devant les défis auxquels notre société est confrontée, le risque principal serait de renoncer à lutter pour l’avenir et de céder à la tentation du fatalisme. Trop de nos concitoyens en sont arrivés à croire que la situation est bloquée et que personne n’est capable de la débloquer. Les ressources de notre pays, ressources économiques, humaines, culturelles et spirituelles nous permettent de rejeter ce fatalisme. Elles engagent chacun et chacune à exercer son discernement et sa responsabilité pour le bien de tous.

    Pour celles et ceux qui ont foi en Dieu et qui vivent dans la communion au Christ, les difficultés que nous rencontrons ne sont pas un appel au renoncement. Au contraire, elles nous acculent à investir toutes nos capacités pour construire une société plus juste et plus respectueuse de chacun. Cela s’appelle l’espérance.

    Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France

    Mgr Georges PONTIER, Archevêque de Marseille, président de la CEF
    Mgr Pierre-Marie CARRÉ, Archevêque de Montpellier, vice-président de la CEF
    Mgr Pascal DELANNOY, Évêque de Saint-Denis, vice-président de la CEF
    Cardinal André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris
    Mgr Jean-Claude BOULANGER, Évêque de Bayeux et Lisieux
    Mgr François FONLUPT, Évêque de Rodez
    Mgr Hubert HERBRETEAU, Évêque d’Agen
    Mgr Jean-Paul JAMES, Évêque de Nantes
    Mgr Stanislas LALANNE, Évêque de Pontoise
    Mgr Benoit RIVIÈRE, Évêque d’Autun, Chalon et Mâcon


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  • L'article sera un peu long aujourd'hui ... Parce que je tiens à vous partager une lettre d'Oscar sous la plume d'Eric-Emmanuel Schmitt et également l'analyse du franciscain fondateur des cercles de silences.

    Pardon Oscar de ne pas savoir comment (ré)agir
    Je partage ta lettre.
    C'est peu mais...
    Et je pense à toi, tes copains d'infortune,vos parents et soignants
    Le respect c'est important tu sais.
    Pense à nous petite étoile quand tu seras ailleurs, à la folie du monde. Marie-Aude

    Cher Président,

    Je m’appelle Oscar, j’ai dix ans, je vis à l’hôpital Necker, à Paris, et c’est la première fois que je t’écris parce que, jusque là, à cause de mes études et mon cancer, j’avais pas le temps.
    Je t’envoie cette lettre au sujet de mes parents. Ils ne vont pas bien et ça m’inquiète. Déjà que ma leucémie, ça leur avait coupé la chique et qu’ils ont mis vachement longtemps à me reparler normalement, mais maintenant ils paniquent ! Hier, des crétins ont attaqué l’hôpital, ils ont pété les vitres, ils ont tagué les murs, il y avait des débris partout, on aurait dit ma maquette du château de Cendrillon lorsque j’étais tombé dessus. Mes parents, ils ont peur, ils crient qu’on ne respecte plus rien, ni l’enfance, ni la maladie, qu’il n’y a plus rien de sacré, qu’ils s’angoissent davantage pour moi : je ne suis pas en bonne santé et pas non plus en sécurité. Certains des crétins, ont même écrit sur les vitres, pour nous, les enfants : « Ne travaillez jamais ». C’est con, parce que, lorsqu’on est malade, en fait, on a envie de guérir pour retrouver une vie normale, l’école, les copains, tout, quoi. Bon moi, d’accord, je risque de suivre leur conseil, aux crétins, parce que, vu que ma greffe a raté, il n’est pas certain que je vive longtemps.
    Alors, cher président, je n’écris pas pour moi parce que c’est un peu trop tard mais j’écris pour mes copains et mes parents : qu’est-ce qu’on peut faire contre les cons ? T’es Président, tu dois avoir des lumières.
    Moi j’ai pensé à un truc horrible : qu’ils se trouvent un jour dans un hôpital attaqué comme hier alors qu’ils sont malades. Ou pire, que ça arrive à leurs propres enfants.
    C’est méchant, je sais. Et puis ça serait peut-être même pas efficace. Parce que s’ils sont assez cons pour ne pas y avoir déjà pensé, c’est qu’ils sont vraiment ramollis du cerveau. Bon, je te donne pas de conseil, t’es président, tu dois savoir.
    Je compte sur toi. C’est normal que je veuille protéger mes parents, non ?
    Bisous, Oscar.

     

    Pour le frère Alain Richard, franciscain, fondateur des Cercles de silence, les causes d’un débordement de violence ne sont pas à chercher uniquement dans la conjoncture actuelle mais aussi dans cette absence de formation et d’éducation, en France, aux relations humaines et à la non-violence.

     ZOOM

    / Photo P. Razzo/Ciric

    Comment réagissez-vous, en tant que partisan de la non-violence aux débordements de violence qui secouent actuellement le pays ?

    Frère Alain Richard : « Je ne suis ni étonné ni surpris. Nous récoltons aujourd’hui les fruits de dizaines et de dizaines d’années de négligence de nos relations humaines. Que ce soit au sein de la société civile comme au sein de l’éducation nationale, et même au sein de l’Église, aucune formation aux relations et à la non-violence n’est prévue dans les différents cursus. On pourra me reprocher de ne pas répondre directement à la question, mais c’est pour moi la principale cause de la violence qui jaillit actuellement dans le pays. Il me semble très grave que notre pays donne accès à une foule de connaissances mais pas à la connaissance du rapport avec les autres. Pourtant, depuis des années, des psychologues, des éducateurs, des penseurs n’ont eu de cesse de demander la création et le développement de structures de formation et d’éducation à la non-violence. Dans des situations de violence, certaines personnes ne peuvent répondre que par la violence, car elles sont enfermées dans des schémas où elle est l’unique issue : c’est une façon, pour elles, d’exprimer ce qui n’a jamais été digéré à l’intérieur d’eux. Elles ne font alors que se détruire, tout en détruisant l’autre : elles entrent en contradiction même avec ce qu’est profondément l’être humain, qui cherche avant tout à se réaliser. Parce que l’idéal de l’être humain n’est pas d’affirmer sa force mais bien d’être humain !

    Aujourd’hui, une partie de la population ne réagit pas seulement à la violence par la violence. Elle l’utilise pour exprimer son indignation. Pourquoi ?

    F.A.R. : Parce qu’elle ne sait pas réagir autrement  ! Et qu’on ne l’a pas éduqué, y compris au sein du cercle familial, à réagir différemment, à développer ses forces intérieures. Son premier réflexe, dès lors, est une réaction animale, bestiale, associée à la bêtise, si je peux dire. On parle beaucoup d’humanité mais l’humanité, cela se forme, cela s’éduque ! Y compris dans le monde politique. Je suis parfois effaré de voir comment des personnes qui ont des responsabilités agissent avec une telle ignorance, en matière de relations humaines, une ignorance de la manière dont les conflits se créent et s’évitent. Je ne veux pas citer d’exemples parce que cela serait malhonnête de ma part, mais, hélas, de nombreuses personnes en responsabilité agissent d’une manière qui ne peut que provoquer de la violence. Si l’on veut se parler calmement, cela suppose une certaine éducation.

    Comment chacun peut-il faire, à son échelle, pour canaliser cette violence afin d’éviter que celle-ci jaillisse sur les autres ?

    F.A.R. : Il est très facile de rejoindre l’un des nombreux groupes de formation à la communication verbale non-violente qui existent, pour apprendre à ne pas accroître la violence dans sa famille, dans son lieu de travail, ou dans sa chorale paroissiale par exemple. En 48 heures, on peut déjà connaître les principales bêtises à ne pas faire. C’est un premier pas en sachant qu’il est possible aussi d’envisager de suivre un stage, plus complet, de formation à la non-violence.

    Ce qui est essentiel, c’est que chacun entre en contact avec sa propre humanité. Cela sous-entend alors de travailler à son intériorité, c’est-à-dire pour les chrétiens, d’accueillir Dieu en soi, ce qui est un vrai chemin pour ne pas être dominé par la violence bestiale. 

    Recueilli par Isabelle Demangeat

    Frère Alain Richard est auteur de Accueillir Dieu en soi. Chemin de justice et de paix, Ed Salvator, 128 p.,13,50€

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    Oui, apprenons-nous à gérer nos émotions, à les accueillir et les canaliser puis faisons ce cadeau aux enfants qui nous sont confiés


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  • La prière humble obtient miséricorde (cf. Lc 18,9-14)

    Chers frères et sœurs, bonjour !

    Mercredi dernier, nous avons écouté la parabole du juge et de la veuve, sur la nécessité de prier avec persévérance. Aujourd’hui, avec une autre parabole, Jésus veut nous enseigner quelle est l’attitude juste pour prier et invoquer la miséricorde du Père ; comment on doit prier ; l’attitude juste pour prier. C’est la parabole du pharisien et du publicain (cf. Lc 18,9-14).

    Les deux personnages montent au temple pour prier mais ils agissent de manières très différentes, obtenant des résultats opposés. Le pharisien prie en se tenant « debout » (v.11) et emploie beaucoup de paroles. Sa prière est, oui, une prière de remerciements adressée à Dieu, mais en réalité c’est un étalage de ses propres mérites, avec un sentiment de supériorité par rapport aux « autres hommes », qualifiés de « voleurs, injustes, adultères » – et il indique l’autre qui était là – « ce publicain » (v.11). Mais c’est justement là qu’est le problème : ce pharisien prie Dieu, mais en vérité il se regarde lui-même. Il se prie lui-même ! Au lieu d’avoir le Seigneur sous les yeux, il a un miroir. Bien qu’il soit dans le temple, il n’éprouve pas la nécessité de se prosterner devant la majesté de Dieu ; il est debout, il se sent sûr, comme si c’était lui le patron du temple ! Il liste les bonnes œuvres qu’il accomplit : il est irrépréhensible, observant la Loi au-delà de ce qui est dû, il jeûne « deux fois par semaine » et paie la « dîme » de tout ce qu’il possède. En somme, plus que de prier, le pharisien se complaît dans sa propre observance des préceptes. Et pourtant son attitude et ses paroles sont loin de la façon d’agir et de parler de Dieu, qui aime tous les hommes et ne méprise pas les pécheurs. Au contraire, ce pharisien méprise les pécheurs, même quand il indique l’autre qui est là. En somme, le pharisien, qui se considère juste, néglige le commandement le plus important : l’amour de Dieu et du prochain.

    Il ne suffit donc pas de nous demander combien de temps nous prions, nous devons aussi nous demander comment nous prions, ou mieux, comment est notre cœur : il est important de l’examiner pour évaluer nos pensées, nos sentiments, et en extirper l’arrogance et l’hypocrisie. Mais je pose une question : peut-on prier avec arrogance ? Non ! Peut-on prier avec hypocrisie ? Non ! Nous devons seulement prier en nous mettant devant Dieu tels que nous sommes. Pas comme le pharisien qui priait avec arrogance et hypocrisie. Nous sommes tous pris par la frénésie du rythme quotidien, souvent livrés à nos sensations, étourdis, confus. Il est nécessaire d’apprendre à retrouver le chemin de notre cœur, de retrouver la valeur de l’intimité et du silence, parce que c’est là que Dieu nous rencontre et nous parle. C’est seulement à partir de là que nous pouvons à notre tour rencontrer les autres et parler avec eux. Le pharisien s’est mis en marche vers le temple, il est sûr de lui mais il ne se rend pas compte qu’il a perdu le chemin de son cœur.

    Le publicain en revanche, – l’autre – se présente dans le temple l’âme humble et repentie : il « se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine » (v.13). Sa prière est très brève, elle n’est pas aussi longue que celle du pharisien : « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! ». Rien d’autre. Une belle prière ! En effet, les collecteurs d’impôts – que l’on appelait justement « publicains » – étaient considérés comme des personnes impures, soumises aux dominateurs étrangers, ils étaient mal vus par les gens et en général associés aux « pécheurs ». La parabole enseigne que l’on est juste ou pécheur non par son appartenance sociale mais par sa manière de se mettre en relation avec Dieu et par sa manière d’être en relation avec ses frères. Les gestes de pénitence et les paroles peu nombreuses et simples du publicain témoignent qu’il est conscient de sa condition misérable. Sa prière est essentielle. Il agit en humble, sûr uniquement d’être un pécheur qui a besoin de pitié. Si le pharisien ne demandait rien parce qu’il avait déjà tout, le publicain ne peut que mendier la miséricorde de Dieu. Et c’est beau : mendier la miséricorde de Dieu. En se présentant « les mains vides », le cœur nu et se reconnaissant pécheur, le publicain nous montre à tous la condition nécessaire pour recevoir le pardon du Seigneur. À la fin, c’est précisément lui, si méprisé, qui devient une image du véritable croyant.

    Jésus conclut la parabole par une sentence : « Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » (v.14). De ces deux-là, lequel est le corrompu ? Le pharisien. Le pharisien est justement l’image du corrompu qui fait semblant de prier, mais ne réussit qu’à se pavaner devant un miroir. C’est un corrompu et il fait semblant de prier. Ainsi, dans la vie, celui qui se croit juste et qui juge les autres en les méprisant est un corrompu et un hypocrite. L’arrogance compromet toute bonne action, vide la prière, éloigne de Dieu et des autres. Si Dieu préfère l’humilité, ce n’est pas pour nous abaisser : l’humilité est plutôt la condition nécessaire pour être relevé par lui, pour faire l’expérience de la miséricorde qui vient combler nos vides. Si la prière de l’arrogant ne touche pas le cœur de Dieu, l’humilité du misérable l’ouvre tout grand. Dieu a une faiblesse : son faible pour les humbles. Devant un cœur humble, Dieu ouvre entièrement son cœur. C’est cette humilité que la Vierge Marie exprime dans le chant du Magnificat : « Il s’est penché sur son humble servante. […] Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. » (Lc 1,48-50). Qu’elle nous aide, elle, notre Mère, à prier d’un cœur humble. Et nous, redisons trois fois cette belle prière : « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ».

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  • Debout et en chemin, en silence pour le Seigneur et en mission pour les autres.

    « Debout et en chemin, en silence pour rencontrer le Seigneur et en mission pour porter ce message, cette vie aux autres » : voilà trois piliers pour « la vie du chrétien », résume le pape François.

    Le pape a évoqué ces « trois choses claires » qui résument la vie chrétienne dans son homélie prononcée ce vendredi matin 10 juin dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe du Vatican.

    « Pour aller et trouver le Seigneur, dit le pape, il faut être tout d’abord « debout et en chemin ».

    Ensuite, il faut « avoir le courage d’attendre ce murmure, ce « fil sonore de silence » quand le Seigneur parle au cœur ouvert ». La troisième chose c’est la « mission », une invitation à aller « de l’avant ».

    C’est « le message » que « nous enseigne aujourd’hui » le livre des Rois, dit le pape.

    Il commente un épisode de la vie du prophète Élie qui « rencontre » Dieu. « Nous savons que la foi n’est pas une théorie, n’est pas une science: c’est une rencontre », affirme le pape. La foi est « une rencontre avec le Dieu vivant, le Créateur, le Seigneur Jésus, avec le Saint-Esprit, c’est une rencontre », insiste-t-il.

    Élie « a gagné une forte lutte contre les quatre cents prophètes des idoles, les a vaincus sur le mont Carmel, rappelle le pape, avec la puissance de Dieu: il est le vainqueur ».

    Mais ce « vainqueur », ce grand prophète « a eu peur », fait observer le pape, il « a entendu les nouvelles que la reine Jézabel, femme cruelle et sans scrupules, voulait le tuer parce qu’elle était idolâtre ». Élie est « dans une profonde dépression » il s’endort, mais « le Seigneur envoie un ange pour le réveiller:« Lève-toi! Prends un peu de pain et de l’eau ». Élie obéit, mais « puis il s’endort ». L’ange « revient une deuxième fois », raconte le pape, l’invitant à nouveau à se lever. Et, une fois debout, « il y a une autre parole : Marche! »

    Ainsi, résume le pape, « pour rencontrer Dieu, il est nécessaire de revenir à la situation dans laquelle l’homme était au moment de la création: debout et en chemin » : «Dieu nous a créés à sa hauteur, à son image et ressemblance, et en chemin. »

    Mais « comment passe le Seigneur?, s’interroge le pape, comment puis-je rencontrer le Seigneur afin d’être sûr que c’est lui? » En reprenant l’histoire d’Élie qui attend la rencontre avec Dieu, le pape note que « le Seigneur n’était pas dans le bruit, dans la majesté, il n’était pas là » : Il est entré dans ‘le murmure d’une brise légère’ ou comme c’est dans le texte original, dans un ‘fil sonore de silence’. Et là il y avait le Seigneur. »

    « Pour rencontrer le Seigneur, nous devons entrer en nous-mêmes et sentir ce ‘fil sonore de silence’ », répète le pape.

    Et quand Dieu ordonne: « Marche! » il « nous donne la mission » comme à Élie: Quand Dieu « nous dira: « Je suis », « là, la foi devient plus forte ».

    Mais la foi, demande le pape, « est-elle pour moi, pour la garder? Non, c’est pour aller et donner aux autres, pour oindre les autres, pour la mission ».

    « Que le Seigneur nous aide toujours, conclut le pape, qu’il soit toujours là pour nous aider à nous remettre debout », pour être « toujours en chemin, ne pas être enfermés, pas à l’intérieur de l’égoïsme de notre confort: être patients, attendre sa voix et la rencontre avec lui, puis braver la mission et apporter aux autres le message du Seigneur ».

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